Généralités

Les termes "mouche-à-scie" (sawfly en anglais) ou "tenthrède" sont utilisés dans le langage courant pour désigner les différentes Familles de guêpes Symphytes (Tenthredinidae, Argidae, Cimbicidae…). Le terme de mouche-à-scie fait référence à la forme particulière, proche d’une scie, que prend l’ovipositeur (organe servant à la ponte) chez les femelles des différentes espèces de Symphytes.

Morphologie

Les adultes sont rarement de grande taille (Sirex géant mis à part) et sont souvent inférieurs à 1.5 cm. Le groupe des Symphytes désigne tous les hyménoptères n’ayant pas la caractéristique "taille de guêpe" entre le thorax et l’abdomen, c’est le moyen le plus simple de distinguer les adultes des autres guêpes et abeilles.

Les larves, quant-à-elles, ressemblent à s’y méprendre à des chenilles de papillons, mais un œil averti remarquera quelques différences notables. Premièrement, chez les larves de tenthrèdes l’œil est simple, rond et noir alors que les chenilles ont des yeux multiples répartis de chaque côté de la tête. De plus, on peut également différencier les tenthrèdes grâce au nombre de paires de fausses-pattes qu’elles possèdent. En effet, cinq paires au maximum pour les chenilles de papillons et entre six et neuf pour les larves de tenthrèdes.

La diversité incroyable de formes ainsi que la variabilité de colorations et de taille chez les larves au sein d’une même espèce rendent souvent la tâche ardue pour parvenir à une identification précise, il est souvent nécessaire de faire appel à un spécialiste. Repérer sa plante hôte peut également être essentiel pour déterminer l’espèce précise. Les adultes, eux, sont quasiment impossible à identifier sans dissection du fait de leur grande ressemblance anatomique (mis à part quelques espèces remarquables qui se démarquent des autres). Ci dessous, quelques exemples de la diversité de formes possibles des larves.

Régime alimentaire

Toutes les larves de Symphytes sont phytophages à la seule exception de la famille des Orussidae dont les larves sont des parasitoïdes. Les larves sont très souvent associées à une plante ou un groupe de plantes précis (exemple : Pristiphora appendiculata : La petite tenthrède du groseiller).

En Europe il existe plus de 1000 espèces de tenthrèdes, ce qui explique que beaucoup d’espèces de plantes ont souvent une (ou plusieurs) espèces de tenthrèdes qui leur sont associées. Par exemple, les Chênes, les Ronces et les Rosiers possèdent tous plusieurs espèces de Symphytes qui se nourrissent presque exclusivement sur eux et celles-ci peuvent être d’apparences radicalement différentes.

Les adultes se nourrissent exclusivement de pollen en butinant.

Statut dans l’agriculture

Dans presque tous les domaines concernant l’exploitation végétale, les larves sont considérées comme des ravageurs très importants et dont il est difficile de se débarrasser une fois qu’un foyer s’est installé. En effet, la tendance de ces larves à vivre en groupes parfois très nombreux (jusqu’à plusieurs centaines d’individus sur une même branche) alliée à leur voracité peut causer de très lourds dommages dans les cultures et ce très rapidement en quelques jours seulement. Le type de dégâts occasionnés peut dépendre de l’espèce de plante attaquée ainsi que de l’espèce qui l’attaque. Par exemple un rosier attaqué par une tenthrède squeletteuse du rosier (Endelomyia aethiops) aura juste la partie supérieure de la feuille qui sera dévorée laissant toutes les nervures, alors qu’un même rosier attaqué par une autre tenthrède du rosier comme (Allantus sp) n’aura plus que les nervures principales de la feuille qui subsisteront :

Les tenthrèdes peuvent également être mineuses (à l’intérieur des feuilles ou même faire des parcours en zig-zag comme la tenthrède zig-zag de l’orme (Aproceros leucopoda). En plus de leur omniprésence, de leur régime varié et de leur capacité à faire des gros dégâts très vite, les tenthrèdes ont également une capacité d’invasion très impressionnante. Nous avons effectivement remarqué que sur les groseillers à maquereaux (Ribes uva-crispa), la petite tenthrède qui leur est associée peut faire jusqu’à 5 générations entre fin Avril et fin Septembre, de plus les œufs n’éclosant pas tous en même temps, les émergences sont continues tout au long de cette période ce qui représente plusieurs milliers d’individus au total sur la saison.

Prédation naturelle

Dans la nature, les Symphytes, adultes comme larves, possèdent une multitude de prédateurs. En effet, les larves font partie, au même titre qu’une majorité des chenilles glabres, des larves dites "à défense faible", autrement dit des larves sans moyen de défense particulier (pas de cuirasse, ni de poils urticants, ni de dard…). Ce statut fait d’elles des proies faciles pour de très nombreuses familles d’insectes comme les sauterelles, les guêpes, les punaises prédatrices et bien d’autres. Les araignées et les oiseaux en font tout aussi régulièrement leur repas.

Les adultes, quant-à-eux, sont plus mobiles que les larves mais sont dépourvus de dard et ont souvent un vol peu adroit et imprécis, ce qui fait d’eux également des proies faciles pour les insectes qui chassent au vol comme les mouches prédatrices (Asilidae et Rhagionidae), beaucoup d’espèces de libellules et de guêpes. Elles se prennent aussi naturellement dans les toiles d’araignées, et les oiseaux s’en nourrissent aussi volontiers.

Lutte biologique

Les protocoles de lutte biologique contre les tenthrèdes sont généralement limités, il n’existe à ce jour aucun "remède miracle" efficace contre ces insectes. En effet, le BT (Bacillus thuringiensis) est très efficace contre les "vraies chenilles" (larves de papillons) mais totalement inutile contre les larves de tenthrèdes. La technique la plus simple est de récolter manuellement les larves puis de les détruire, mais c’est une technique longue et fastidieuse. À part ça, il existe deux traitements autorisés dans le cahier des charges Bio : le Spinosad (toxine bactérienne) et le Spruzit (huile végétale à 90% et Pyréthrines à 0.5%). Ces traitements sont à utiliser avec parcimonie et surtout en cas de grosse invasion car ils restent des insecticides non-sélectifs.

Dans l’année 2020 chez Ribanjou nous avons mis en place un protocole expérimental de lutte contre les tenthrèdes combinant lutte préventive, curative et intégrée. Ce protocole comporte trois étapes principales. Premièrement, chaque plante a été minutieusement inspectée afin de la débarrasser de toutes les éventuelles larves qu’elles pourraient abriter. Après examen les plantes sont placées sous des filets Insectproof (anti-insectes) à maille très fine afin d’éviter l’arrivée de nouveaux insectes dans les plantes depuis l’extérieur :

Deuxièmement, après avoir constaté l’émergence de nouvelles larves et de nouveaux adultes, nous avons décidé de procéder à l’installation de plaques collantes jaunes, à intervalles réguliers sous le filet, afin de piéger tous les nouveaux adultes.

Enfin pour exterminer les dernières larves restantes, nous avons introduit dans le filet différentes espèces prédatrices que nous avions préalablement récolté dans l’environnement naturel du site (carabes, araignées, larves de chrysopes, sauterelles…). Les résultats de ce protocole ce sont avérés très concluants en fin de saison.